Vietnam La civette, reine du café 01.04.1999
De Daklak, Vietnam
Ho Hoang Yen, cultivateur de café, garde un souvenir attendri de l'une des corvées qu'on lui confiait quand il était enfant, il y a un demi-siècle : il se levait à l'aube, à l'heure où la brume enveloppait les collines, s'enfonçait dans la luxuriante forêt des hauts plateaux et fourrageait sous les arbustes humides de rosée pour y dénicher les grains de café les plus délicats qui soient.
"Ah, la crotte de civette !" se souvient-il en se léchant les babines.
"Ça donne un café excellent, le meilleur." Cela fait sept ans qu'il n'a pas dégusté une tasse de cet invraisemblable breuvage, car le Vietnam, l'un des grands pays exportateurs de café, mène la vie dure à la civette, un animal de la famille des viverridés qui ressemble un peu au renard, mais qui est en fait un parent de la mangouste. Grâce au flair de son long museau, ce grand amateur de café repère les grains de robusta bien mûrs et les gobe à même les branches basses des caféiers. Les fruits les plus durs résistent au processus de digestion et, d'après les spécialistes, leur qualité s'en trouve même améliorée.
Mais les projets de développement du pays mettent à mal la civette. Depuis la guerre du Vietnam, l'Etat encourage les paysans itinérants à se sédentariser et à cultiver du café pour l'exporter. Des milliers d'hectares de forêt - l'habitat de la civette - ont été rasés. De plus, les modes de production se modernisent et les paysans récoltent désormais les grains avant qu'ils n'arrivent à maturité. Du coup, les civettes sont privées de leur plat favori. Mais, si le
cà-phê cut chon, ainsi qu'on appelle ce "café de crotte de civette", se fait de plus en plus rare, c'est aussi parce que la chair de cet animal est fort appréciée. Chez
Bac Map, un restaurant très couru de la ville de Buon Me Thuot, la civette rôtie a les faveurs des négociants de café, les nouveaux riches de la région.
La recette du "cà-phê cut chon"
Le père de M. Yen avait sa propre méthode de transformation. D'abord, il laissait sécher les grains au soleil pendant plusieurs mois, jusqu'à ce que l'enveloppe s'écaille.
"Il est inutile de les laver", précise M. Yen, même si certains le font. Ensuite, il les mélangeait avec du beurre, du sel, un peu de sucre et un doigt de
"bon vin rouge français", avant de les torréfier à petit feu, pendant des heures, avec du bois de caféier. Mais chaque paysan vietnamien procède à sa façon. Certains pratiquent une torréfaction rapide, d'autres lente. Certains ajoutent du sel, d'autres du sucre.
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