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Le Monde
Horst Faas : "Nous pouvions montrer la mort"
De tous les photojournalistes qui ont couvert la guerre du Vietnam, l'Allemand Horst Faas est celui qui est resté le plus longtemps sur place : installé à Saïgon de 1962 à 1974, il a tout vu, tout suivi. D'abord en tant que photographe, puis comme responsable de la photo à l'agence Associated Press. Pour Le Monde, il commente ses images les plus marquantes, exposées au festival Visa pour l'image, à Perpignan, et réunies dans un livre - Horst Faas, 50 ans de photojournalisme (Ed. du Chêne).
On y voit des scènes crues, des morts, des combats, des victimes approchées au plus près par un photographe au coeur de l'action : "Ce sont des images qu'on ne voit plus aujourd'hui, reconnaît Horst Faas. Le métier a beaucoup changé."
Aujourd'hui, la guerre du Vietnam passe souvent pour un "âge d'or" auprès des photojournalistes. Car le conflit a marqué un tournant dans la photo de guerre, révélant des noms légendaires comme Larry Burrows ou Don McCullin. Et ce au prix de nombreux morts parmi les photographes : 72 victimes rien que chez les Occidentaux. Horst Faas leur a rendu hommage dans un ouvrage, Requiem (éd. Marval), paru en 1997.
Quand il compare ses photos à celles réalisées en Irak, Horst Faas regrette surtout l'autonomie dont il bénéficiait au Vietnam. "J'allais voir les conducteurs d'hélicoptère et j'essayais de les convaincre de m'emmener. Je leur disais que j'avais ma propre nourriture, mon casque, et en général ça marchait." Sur place, le photographe était en première ligne, partageant le quotidien des marines, les combats. "Les officiers nous laissaient assister aux réunions. Nous pouvions publier des photos de morts si la famille était prévenue avant."
Aujourd'hui, dit-il, la guerre est devenue "une bureaucratie. Il faut des autorisations pour tout". L'accès au terrain est limité et, du coup, les photographies montrent surtout l'avant et l'après des combats. Côté censure, l'administration américaine a fixé "des règles bizarres", qui interdisent de prendre la photo d'un blessé sans son autorisation. "Est-ce qu'on demande à ces gens leur autorisation pour leur envoyer des bombes à la figure ?" La technologie et l'amélioration des moyens de communication ont aussi beaucoup pesé sur l'évolution du métier. "Au Vietnam, il fallait 14 minutes pour transmettre une photographie noir et blanc. Une éternité !" Sur le terrain, le photographe restait injoignable plusieurs jours, ce qui lui donnait le temps de réfléchir à son sujet, d'étudier le terrain. "Un vrai luxe que ne connaissent plus les photographes."
Pour autant, explique Horst Faas, les photos de guerre actuelles ne sont pas si mauvaises qu'on le dit. "Il y a de très bons photographes. Mais leurs photos sont noyées dans l'immense masse d'images produites et transmises chaque jour." C'est surtout le désintérêt du public, selon lui, qui explique la tiédeur des publications. "Aujourd'hui, le monde ne veut plus voir ça, les médias achètent des photos people, du divertissement."
Claire Guillot