Source : http://lecourrier.vnagency.com.vn/de...REPLY_ID=47739Citation:
http://lecourrier.vnagency.com.vn/up...4225.f01as.JPG
Récit du voyage de Gérard et Tuân : 2.500 km en moto de Hanoi à Hô Chi Minh-Ville, par le Tây Nguyên
Huitième journée : Kon Tum - Buôn Ma Thuôt
Le 27 juillet. À 06h00. Hier soir, nous nous sommes octroyés un massage à l'hôtel pour nous remettre de la dure journée de route. Souvent, quand je fais un séjour en France, j'entends mes amis me parler des massages vietnamiens avec beaucoup de sous-entendus ! Il est vrai que le massage asiatique a souvent mauvaise réputation chez les Occidentaux qui confondent massages et attouchements ! Il est vrai aussi que de nombreuses officines, fort répandues en zones touristiques, alimentent consciencieusement cette réputation ! En ce qui nous concerne, Tuân et moi, nous avons simplement profité d'un massage traditionnel où l'énergie de la masseuse, à nous frapper à poings fermés et à nous piétiner allègrement, ôte toute velléité de marivaudage ! Et honni soit qui mal y pense !
Les os remis en place, et une bonne nuit de repos, nous sommes prêts à poursuivre notre voyage… Ce matin, le temps est gris, suite de l'orage de la veille. Pour nous c'est plutôt agréable, car la température est plus fraîche, et pour la première fois j'ai revêtu un blouson pour affronter les heures matinales. Notre pho quotidien avalé, nous suivons la nationale 14 en direction de Pleiku. La route a laissé la piste Hô Chí Minh continuer vers le Laos la veille, et maintenant elle est redevenue une route comme les autres!
Avec une circulation plus importante qui nécessite d'être vigilant ! La preuve m'en est donnée très rapidement, puisque, après quelques kilomètres, un bus qui double en 4e position me contraint à rouler dans un fossé rendu boueux par les pluies de la veille. Et là, je commets une erreur de débutant : au lieu de relâcher les gaz et de laisser ma moto ralentir sur son erre, je freine ! Dérapage dans la boue, la moto s'incline, le poids des bagages m'entraîne, et je chute dans la boue ! Rien de grave, puisque je reste debout, c'est la moto qui se couche, mais mon orgueil de motard en prend un coup. Tuân est déjà là, il me donne un coup de main pour relever engin et bagages, et me propose, suite à sa longue expérience des sentiers boueux, de ressortir ma moto du bourbier dans lequel elle s'est enfoncée. Mais je décline son offre : je dois m'en sortir tout seul ! Et c'est sous le regard moqueur mais protecteur de Tuân que je réussis, après quelques dérapages contrôlés, à ressortir du fossé et à retrouver le bitume de la route.
Cet incident nous montre une fois encore combien la route est dangereuse. Nous verrons d'ailleurs notre second accident mortel ce jour là ! Et encore une fois, j'aurais le cœur serré de voir que je ne pourrais rien faire pour ce malheureux ! Malheureux et inconscient, car nous l'avions vu quelques minutes auparavant s'amuser à slalomer entre les camions et les bus, jouant à doubler tout le monde, sans ralentir… Médecin du corps et des coeurs, je connais bien la psychologie humaine, mais quelle cruelle absurdité que de laisser son taux de testostérone supplanter sa raison pour finir sous les roues d'un camion !
Malgré tout, la route continue… Nous faisons un petit détour pour admirer le lac Tnung, à quelques kilomètres de Pleiku. Curieusement, hormis les bananiers, ses rives couvertes de pinèdes et ses plages de sable rouge me font penser aux lacs de la Côte d'Azur en France. Sous la pergola qui surplombe le lac, quelques couples d'amoureux se font des serments pour la vie. Tuân et moi, nous faisons discrets ! En quittant le lac, nous croisons un guide, en grosse cylindrée, qui effectue les trajets Dà Lat - Dà Nang en transportant des touristes. Malgré l'humilité de nos petites motos, nous avons droit à des félicitations et des encouragements de sa part et à la solidarité des motards, en nous indiquant quelques passages difficiles sur la route à venir.
Après un arrêt à Pleiku pour faire nettoyer ma moto couverte de boue, nous repartons vers Buôn Ma Thuôt. Jusqu'à présent, nous avions eu la chance d'avoir des routes plutôt confortables, exemptes de gros trous, et que nos reins et nos épaules appréciaient particulièrement. Cette fois, la route a décidé de nous donner une leçon, et pendant près de 200 km, nous sautons plus que nous roulons ! À cette occasion, Tuân apprend une expression bien française : "C'est vraiment une route de m…!". Expression qu'il utilisera avec beaucoup de plaisir plusieurs fois pendant ce trajet !
C'est donc en tressautant sur nos selles que nous traversons l'immense plateau de Pleiku à Buôn Ma Thuôt. Ici, tout est vaste : le paysage qui s'étend à l'infini, les monts volcaniques qui se dessinent à l'horizon, les plantations de thés, de poivriers et de café qui se succèdent en rangs serrés. Mais ce qui m'impressionne le plus, ce sont les plantations d'hévéas qui s'étirent sur des dizaines de kilomètres ! Dire que cette résine finira en millions de pneus qui, une fois usés, se consumeront en polluant l'atmosphère ! À cause de la… rusticité de la route ! Les haltes défilent : arrêt au marché de Cho Se pour acheter des fruits, arrêt à Ea Rai pour refaire le plein d'essence, arrêt à Ea Drang pour le repas de midi, arrêt à Buôn Hô pour boire un verre.
Après Buôn Hô, nous nous arrêtons au sommet d'un petit col pour discuter avec des enfants qui gardent des bœufs paissant dans une pinède. De là, nous avons vue sur des plantations de thé en terrasse. L'endroit est calme, l'air est frais, et les enfants sont curieux. Ils nous posent beaucoup de questions auxquelles nous répondons, en surveillant nos bagages du coin de l'oeil…! C'est à ce moment là que je prends conscience de mes limites : mon vietnamien est inopérant ! Outre mon épouvantable accent qui rend déjà mon discours difficilement compréhensible à toute personne qui n'a pas l'habitude d'entendre un étranger parler vietnamien, mon vocabulaire n'est plus celui de la région. Même Tuân a du mal à se faire comprendre ! Pour me consoler, je me dis que ces enfants font partie de l'ethnie Gia Rai et que donc à l'impossible nul n'est tenu. J'apprendrai les dialectes plus tard ! Nous repartons sous des "bye bye" tonitruants, ce qui achève de me rendre morose !
Mon moral remonte rapidement en profitant des derniers kilomètres qui nous séparent de Buôn Ma Thuôt, et heureusement, car, à peine arrivé en ville, un incident mécanique aurait pu entamer définitivement ma bonne humeur proverbiale ! Ma moto émet, depuis quelques temps, un curieux bruit de sirène à chaque démarrage, et là ce bruit devient franchement insupportable, à tel point qu'il attire l'attention des gens que nous croisons ! Nous décidons de tirer les choses au clair, et nous demandons l'adresse du concessionnaire de la marque de ma moto. Un xe ôm local propose de nous guider, et après avoir traversé la ville, rouge de confusion sur un engin couinant, j'arrive à la concession. Je n'ai pas besoin de parler ! En entendant le bruit, le gérant fait le diagnostic : "C'est la courroie !", et hèle immédiatement 2 ouvriers pour m'offrir un festival de l'efficacité vietnamienne ! L'engin est mis sur pont, carter ouvert, courroie ôtée, membrane changée, moteur nettoyé, nouvelle courroie, carter refermé, moto remise à neuf en moins d'une demi-heure ! En France, j'aurais attendu 3 jours !
Hôtel trouvé, nous nous offrons une promenade nocturne dans l'air frais de Buôn Ma Thuôt : petit tour devant le Monument de la Victoire, visite de l'église locale et du temple Lac Giao. Un petit moment de recueillement chacun selon nos convictions personnelles, et après un excellent repas dans un restaurant, nous retrouvons le calme de nos chambres. Il est 21h00. Demain nous repartons à 06h00 pour Nha Trang.
(À suivre)
Gérard Bonnafont/CVN
(21/10/2007)