Lounv, tu me comprends mal, c'était du second degré, je mettais l'ironie dans la bouche du type qui arrive après toi. Pour te donner un exemple ô combien classique, le plus courant, c'est que tu montes un restaurant en louant le local, et quand il marche ton proprio te vire et garde le restau. J'ai des amis belges tenaces à qui c'est arrivé quatre fois de suite à Hanoi.
Pour revenir au sujet, et étayer ce que j'avançais c'est vrai sans en dire plus, voici un exemple: en 2003, nous avons ouvert une épicerie fine / marchand de vin à Cần Thơ, rue Đồng Khởi. Il est vrai que c'était un marché nouveau, vu le peu d'étrangers qui résident, mais avec les quelques hôtels qui s'y trouvent, et on se disait qu'il valait mieux être le premier et tenir le haut de la niche pour grandir avec le marché.
En réalité, je me suis retrouvé le seul à consommer les produits périssables (fromages et compagnie), parce que le marché local était réfractaire, et ce n'était pas les 20-30 expat' de la région (qui eux étaient heureux de nous trouver) qui nous ont permis de survivre. Donc on a fermé sous un an, à mi-2004. J'en viens à ce qui nous concerne:
Depuis mi-2004, le local a été transformé en magazin de téléphones portables, puis en magazin de fringues pour bébés, puis en cybercafé, et maintenant de nouveau en magazin de vêtements. Une fois l'an, donc. Mais tu vois, aucune pérennité dans l'emploi du local.
Aujourd'hui encore, au Vietnam, la valeur intangible d'un fonds de commerce reste très difficile à faire valoir.
Dans les années passées, non seulement on a vu des magazins apparaître et disparaître en grande quantités, comme si c'était normal de perdre son business, mais on a même vu apparaître et disparaître des secteurs commerciaux. Cần Thơ était le pradis pour les fringues pour bébés de qualité en 2000. Aujourd'hui, il reste un seul magazin et encore il végète.
@Thương19, je pense qu'il faut distinguer deux sortes de corruption, en-dehors de actif ou passif: celle où tu paies pour qu'un fonctionnaire fasse son travail, et celle où tu paies pour qu'il ne le fasse pas.
La première est relativement fréquente, et surtout au démarrage d'une affaire: le gusse qui te branche l'électricité, et ceux qui font des autorisations administratives, ils ne te tiennent qu'une fois et donc souvent ils ont tendance à te serrer le cou pour voir ce qui tombe. (Ça peut donner lieu parfois à des bras de fer). Ceux qui te revoient tous les jour, par contre, ont autant intérêt que toi à ce que ça se passe bien. L'essentiel est alors de ne pas marquer de recul ou de dégoût quand ils demandent des clopes. On les offre de bonne grâce et voilà, en évitant de tomber dans le systématique, ça lisse les relations dès le départ. La clé est d'arriver à être considéré comme un permanent, faute de quoi c'est toujours des relations bancales où on se cherche.
La deuxième forme de corruption, où tu paies pour qu'un fonctionnaire ne fasse pas son job, normalement c'est seulement si tu n'es pas en règle ou si tu fais des magouilles, et en ce qui me concerne, je n'ai envie de me lancer dans ce genre de choses parce que je veux bien dormir la nuit.
Un mot quand-même sur une variante fréquente: les lois sont sujettes à interprétation, et il y a des fonctionnaires qui sont doués pour trouver comment tu n'es pas en règle. Sachant que si tu fais ce qu'ils demandent, soit tu es coincé par un autre dossier qui dépend de celui que tu voulais faire, soit parfois même tu te mets hors-la-loi selon une autre interprétation. Vois ce qu'on disait sur le forum à propos des permis de résidence quand tu es investisseur: tu as le droit d'avoir une résidence permanente quand tu es investisseur, mais pour investir, il faut résider au Vietnam. Bien vite, le bureau des investissements te demande une carte de résident pour te permettre d'investir. Tu vois le cercle vicieux, c'est une confusion entre résider de façon permanente au Vietnam et avoir la carte. Ça fait des années que je suis là mais je n'ai pas de carte. Dans ce cas, à mon sens, il s'agit que les fonctionnaires aient une interprétation correcte des textes. Pas qu'ils ferment les yeux.
C'est pour ça que je ne suis pas trop d'accord quand tu parles d'arroser, ça donne l'impression que c'est tout le temps, et un peu sans discernement. Je ne dis pas que ça n'arrive pas, et je suis désolé pour ton amie, mais il me semble que c'est quand-même souvent possible de l'éviter ou au moins de le mitiger. C'est sur que c'est plus difficile dans les très grandes villes, où personne ne connaît personne et où on n'a que peu l'occasion de créer la relation durable et donc proche. Plus facile dans une petite ville.