Littérature : la traduction et le rôle des traducteurs
La traduction littéraire est l'un des meilleurs sinon le meilleur moyen de communication culturelle entre les peuples. Et le traducteur, considéré sous ce point de vue, tient un rôle majeur qui exige des dispositions particulières pour mener à bien son office.
Tout d'abord, il doit maîtriser la langue, non pas la langue quotidienne, mais la langue littéraire et poétique proprement dite, ainsi que les techniques d'écriture aussi bien de sa langue maternelle que de la langue originelle de l'œuvre qu'il transpose. Et cela, sous toutes ses formes et dans tous les genres : épopée, discours, poésie, drame, récit, nouvelle, reportage… et dans tous les styles : savant, populaire, dramatique, humoristique, etc.
Mais la maîtrise de la langue et des techniques d'écriture seules ne suffisent pas, contrairement à ce que certains pensent. En premier lieu, des connaissances générales et approfondies, dans des domaines aussi variés qu'histoire, géographie, sociologie, peinture, musique, psychologie, etc. sont nécessaires. Sans une excellente culture, il serait difficile de réussir un travail si ardu.
En outre, les qualités d'un écrivain et d'un traducteur sont subordonnées à de nombreuses dispositions préliminaires : âme authentique d'écrivain et de poète, passion ardente pour la tradition et l'écriture, patience infatigable dans le travail.
Doué de toutes ces facultés indispensables, le traducteur débute son double travail : recréer l'oeuvre originale exactement comme elle a été créée par l'auteur et l'écrire une seconde fois dans une langue différente. Il choisit les mots, les termes, les modes d'expression qui lui paraissent les plus propres à rendrent fidèlement le fond et la forme du texte original dans ses particularités linguistiques et culturelles relatives à chaque nation, à chaque période de l'histoire, à chaque stade de la vie et de la période de l'auteur.
Créateur passionné et inspiré lui-même, le traducteur a le droit, dans une certaine mesure et dans les limites des exigences de la compréhension, tout en restant fidèle, de combler les lacunes et d'embellir peu ou prou l'original si le cas l'exige et s'y prête, par une expression heureuse, une image nouvelle, une figure de mot ou de style approprié, sans en altérer le sens. En tant qu'écrivain, le traducteur doit au moins être au niveau de l'oeuvre qu'il traduit.
Enfin, concernant la traduction de la poésie vietnamienne, je voudrais affirmer, comme principe de l'esthétique, que, pour être parfaite, elle doit faire revivre en elle la musicalité spécifique de la langue vietnamienne, dont la poésie est la plus pure cristallisation, par la tonalité et l'assonance des mots, en particulier le rythme, la césure, la rime. L'oreille vietnamienne, c'est à dire l'esthétique poétique vietnamienne, est tellement habituée au rythme, à l'assonance, à l'harmonie, qu'elle ne peut tolérer de vers libres, dissonants, sans rime ni rythme, contraires aux règles d'euphonie, dans la langue source comme la langue cible.
C'est ce que j'ai fait dans mes transpositions de l'Iliade et de l'Odyssée d'Homère, du Cid et d'Horace de Corneille, d'Andromaque, de Phèdre et d'Athalie de Racine, d'Hernani de Victor Hugo ainsi que dans mes traductions françaises de Clair de Lune, des Nuages poétiques et du Berceau des Nuages de Yên Tu. C'est aussi ce que j'ai fait dans mes nouveaux recueils : Poèmes choisis de Hàn Mac Tu et Poème choisis de Nguyên Binh.
Cependant, comme il n'existe pas entre 2 langues de vocables exactement équivalents pour exprimer une idée semblable, il ne peut y avoir non plus de traduction absolument fidèle à la fois dans la forme et dans le contenu. Dans mes présentes traductions, il peut exister ici ou là - chose inévitable - des imperfections de style d'ailleurs sans grande importance. Je pense toutefois que les expériences citées plus hautes comme principes élémentaires de la traduction littéraire peuvent dans une certaine mesure aider le traducteur à perfectionner de jour en jour son travail en vue d'une intégration rapide et harmonieuse de la culture vietnamienne dans le mouvement culturel mondial.
Source : Hoàng Huu Dan/CVN