A Haïphong, les Vietnamiens s'opposent à un contrôle douanier, le 20 novembre. Ho Chi Minh propose de réunir immédiatement la commission mixte des douanes. Mais le général Valluy, remplaçant d'Argenlieu, après avoir câblé au colonel Dèbes le 22 : « Suite événement du 20, estime indispensable profiter incident pour améliorer notre position Haïphong » lui donne l'ordre suivant : « Le moment est venu de donner une dure leçon à ceux qui nous ont traîtreusement attaqués. Par tous les moyens à votre disposition vous devez vous rendre maître complètement d'Haïphong et amener le Gouvernement et l'armée vietnamienne à résipiscence. »
Dèbes attaque le 23 novembre et fait bombarder Haïphong par trois navires de guerre. D'après
Paul Mus (conseiller politique de Leclerc) qui cite une enquête de l'amiral Battet,
il y aura 6000 morts, essentiellement des civils. C'est le début de la guerre d'Indochine qui, pour ce qui est de la France, durera 7 ans et demi.
Implication de la France :
Il ne fait maintenant pas de doute, que ce bombardement fait partie des provocations françaises pour mettre un terme à l'indépendance que le Vietnam était en train d'acquérir. C'est le général Valluy qui, sans doute en
accord avec d'Argenlieu, a mis le gouvernement français devant le fait accompli. Sa directive du 10 avril : « transformer le scénario, qui est celui d'une simple opération militaire, en un scénario de coup d'État » (Devillers p.179) montre que la préméditation était du côté français et non de celui de Ho Chi Minh. La France crut, avec le parti colonial des administrateurs et de leurs amis, qu'il serait possible, comme en 1885, de réinstaller, à la tête du Vietnam reconquis, des fantoches.
Alfred Grosser remarque: « L'occultation de ce que fut la guerre d'Indochine se retrouve dans le choix de la date officielle du déclenchement de la guerre, que l'on retrouve dans tous les manuels; le 19 décembre, offensive des troupes viêtminh sur Hanoï, au lieu du 28 novembre, bombardement du port de Haïphong par la marine française. »
Imagine-t-on le nombre de vies sauvées si la France avait respecté l'accord du 6 mars 1946?
Sources :
Yves Benot, Massacres coloniaux, La Découverte, 1994, pages 97-108; Philippe Devillers, Paris, Saïgon, Hanoï, Archives, Gallimard; Alfred Grosser et Al., La morale de l'histoire, Autrement, Oublier nos crimes, n𫀐, avril 1994, page 221; Paul Mus, Témoignage Chrétien, 10 février 1950.