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Discussion: [Le figaro voyages] Au Vietnam, sur les traces de Marie Ier, roi des Sédangs

  1. #1
    Le Việt Nam est fier de toi Avatar de robin des bois
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    Par défaut [Le figaro voyages] Au Vietnam, sur les traces de Marie Ier, roi des Sédangs

    Allons-y pour un p'tit tour de manège dans l'Indochine de papa

    Signalé par mon copain Virgule, illustre "forumeur franco-asiatique" ,

    - sur ce lien :

    Le Figaro - Voyages : Au Vietnam, sur les traces de Marie Ier, roi des Sdangs

    - cet article tiré du Figaro voyages

    Au Vietnam, sur les traces de Marie Ier, roi des Sédangs

    Par Jean-Louis Tremblais
    publié le 20/07/2012 à 19:13
    Le lac Lak, dans la cordillière Annamitique.Crédits photo : ERIC MARTIN/Le Figaro Magazine


    En 1888, sur les hauts plateaux du Vietnam, Marie-Charles David de Mayréna se fit élire roi des Sédangs, une tribu insoumise et invaincue.
    Histoire de l'aventurier méconnu qui fascina et inspira André Malraux.


    Kon Tum, sur les hauts plateaux du Vietnam, à un jet de pierre du Cambodge et du Laos. En ce lundi pascal, la foule se presse aux abords de la cathédrale de l'Immaculée Conception.
    Un surprenant édifice en bois de fer (imputrescible), bâti sur pilotis, au toit pointu comme celui des rongs, les maisons communautaires des tribus locales. L'oeuvre des missionnaires français, venus évangéliser ces peuplades animistes et idolâtres il y a cent cinquante ans. Pour mieux propager leur foi, les soldats du Christ se sont adaptés à leurs ouailles. Dans l'architecture religieuse comme dans la liturgie catholique: servie en plein air par le padre Paulo, la messe est dite en bahnar et en djarai, langues des deux ethnies majoritaires du diocèse.
    Des bonnes soeurs en tunique bleue animent le choeur tandis que des jeunes filles aux pieds nus dansent en inclinant les mains, à la façon des apsaras. Avec une foi intacte et touchante, l'assistance reprend à pleins poumons des couplets en dialecte autochtone, d'où n'émerge que l'intraduisible, comme Jérusalem ou alléluia.Une fois l'assistance dispersée, rendez-vous est pris avec le père Paulo. Il connaît tout sur l'implantation des missionnaires chez les Moïs (1).


    Des temples et des tours qui surgissent de la jungle vietnamienne (ici, les vestiges de My Son).Crédits photo : ERIC MARTIN/Le Figaro Magazine

    En revanche, un sourire gêné et des yeux ronds accueillent la question qui nous amène en ces lieux: «Connaissez-vous Marie Ier, qui fut roi des Moïs en 1888?» Non, il ne connaît pas notre héros. Visiblement, le curé est sincère. On ne peut le blâmer de cette lacune. Qui se souvient de l'épopée aussi fulgurante que pathétique de l'aventurier français Marie-Charles David de Mayréna (1842-1890)? Peu de gens, mais ceux qui se sont penchés sur la geste de ce condottiere sont restés captivés, fascinés, envoûtés.
    André Malraux, qui l'appelait son «fantôme de gloire», s'en inspira fortement dans La Voie royale (où Perken est son double évident). Il lui consacra ensuite un roman inachevé et intitulé Le Règne du Malin. Surtout, il rêva toujours d'en faire un film qui, s'il avait vu le jour, aurait rejoint dans la légende du septième art L'Homme qui voulut être roi et Apocalypse Now.

    Ancien officier chez les spahis, séducteur hors pair et duelliste redouté

    Tout commence au printemps 1888 à Saïgon, rue Catinat (rebaptisée Dong Khoi - «soulèvement populaire» - par les communistes, après 1975), quelque part entre les Messageries Maritimes et l'Hôtel Continental.


    Messe pascale à la cathédrale de Kon Tum.Crédits photo : ERIC MARTIN/Le Figaro Magazine

    Dans la moiteur de l'Asie, sur une terrasse de café, un bel homme de forte stature (1,82 m, ce qui est immense pour l'époque), habillé avec recherche sinon dandysme (c'est un admirateur de Barbey d'Aurevilly), sirote une absinthe en échafaudant les plans de sa future expédition, indifférent aux regards explicites que lui jettent les Européennes de la colonie. A 46 ans, Marie-Charles David de Mayréna s'apprête à jouer le coup de sa vie, pourtant déjà bien remplie. Car le gaillard n'est pas un béjaune.
    Ex-officier chez les spahis (il a participé à l'annexion de la Cochinchine), familier des Grands Boulevards et des cabarets parisiens, séducteur invétéré, duelliste éprouvé (il a occis un fâcheux à l'épée), affairiste indélicat et journaliste intermittent, il a quitté l'Europe en 1885. Non sans avoir soutiré de l'argent au richissime baron Seillière pour financer une exploration scientifique dans le sultanat d'Aceh, en Indonésie.


    Kon Jari, «capitale» de Marie Ier et fief des missionaires.Crédits photo : ERIC MARTIN/Le Figaro Magazine

    Entre-temps, il a débarqué à Saïgon, surnommé le «Paris de l'Orient», gardé le pécule et changé de projet. Son grand dessein: fédérer les ethnies des montagnes, le pays moï, sauvage et hostile. Une mosaïque de peuples rétifs à toute forme de civilisation, qui croient aux esprits de la forêt, vivent de la chasse et passent leur temps à se faire la guerre, notamment pour s'approvisionner en esclaves.
    À part quelques intrépides missionnaires installés à Kon Tum, nul Français n'ose s'y aventurer. Trop dangereux, trop insalubre. C'est justement ce qui plaît à Mayréna. Cette absence de fonctionnaires et de militaires lui laisse le champ libre. Une terra incognita dont lui, qui rêve à Cortès et à Pizarre, sera le conquistador.
    Outre sa capacité de persuasion, son bagout et son panache, il a de la chance. En effet, le Siam - conseillé par les Anglais et les Prussiens - convoite cet hinterland moï qui lui assurerait le contrôle de la rive orientale du Mékong. Cette perspective inquiète Paris, qui rechigne néanmoins à y envoyer la troupe. Ce serait diplomatiquement explosif.
    Aussi, lorsque Mayréna, que les rapports de police présentent comme un trafiquant d'armes et un aigrefin mythomane, a proposé ses offres au gouverneur général d'Indochine, celui-ci a sauté sur l'occasion et lui a donné un feu orange: en cas de succès, la zone passera dans le giron de la France ; en cas d'échec, l'aventurier sera désavoué. Bref, une mission officieuse dont l'administrateur en chef de la colonie n'a pas mesuré les conséquences. Car le sieur Mayréna va réussir au-delà de toute espérance. Ô combien!
    Avec une colonne de 80 coolies et 15 tirailleurs annamites, sa congaï de Saïgon - une Vietnamienne qu'il présente comme une princesse chame (2) - et un acolyte douteux dénommé Mercurol, ancien croupier, il va se frayer un chemin à travers la jungle et s'y tailler un royaume. S'appuyant sur les missionnaires catholiques de Kon Tum, il sillonne la brousse à dos d'éléphant, court de rong en rong, palabre pendant des journées, prête le serment de l'alcool de riz (bu en commun dans de grandes jarres avec de longues pailles), défie et défait les réticents ou les mécontents en combat singulier. Sa bravoure n'a d'égale que sa rouerie.
    Sous son uniforme de fantaisie - pantalon blanc, dolman bleu aux manches galonnées d'or -, il porte une cotte de mailles sur laquelle les fléchettes au curare viennent se briser. Imprégnés de surnaturel, les Moïs pensent que ce géant barbu, qui ne craint rien ni personne, est un demi-dieu, qui jouit de la protection des génies.

    Le royaume de Marie Ier est doté de tous les attributs de la souveraineté

    En six mois, son audace et son charisme aboutissent à ce prodige dont toute l'Indochine va bientôt faire des gorges chaudes: Mayréna se fait élire roi des Sédangs (les plus redoutables et les plus belliqueux de tous les Moïs qu'il fédère), sous le nom de Marie Ier. Son énergie est inépuisable.
    Il rédige une Constitution (où l'esclavage et le sacrifice humain sont prohibés) et dote son jeune Etat de tous les attributs de souveraineté. Un drapeau azur frappé d'une croix de Malte blanche avec une étoile rouge en son centre. Une devise: «Jamais cédant, toujours s'aidant» (on admirera le jeu de mots avec Sédangs).


    Jeune Bahnar dans la région de Kon Tum.

    Crée une douane, une poste, des timbres, des décorations: l'ordre royal sédang, l'ordre du Mérite sédang et l'ordre de Sainte-Marguerite. Crée une armée de 20.000 hommes équipée de Remington et d'arbalètes, avec laquelle il affronte les insoumis en bataille rangée et aux cris de: «Dieu, France, Sédang!» Du village de Kon Jari, il fait sa «capitale» et instaure une étiquette digne de Versailles.
    Sa concubine annamite se voit promue reine des Sédangs ; Mercurol, qui est un peu son Sancho Pança, hérite du titre de marquis d'Hénoui! Ce qui est inouï...Une monarchie d'opérette? Bien sûr. Mais Marie Ier y croit.
    A tel point qu'en 1889, il se rend à Paris pour rencontrer le président Sadi Carnot et lui demander en grande pompe de reconnaître le royaume sédang. Marie Ier, en tenue d'apparat, décorations pendantes, jamais en manque d'anecdotes pittoresques, devient la mascotte des salons. Pour survivre (car il est à sec, comme toujours), il vend des titres de propriété ou d'exploitation sur son royaume, des médailles, des baronnies, des duchés et des comtés fantaisistes.
    Mais Mayréna agace en haut lieu. Tandis qu'il parade en métropole, l'administration démantèle son royaume en loucedé. Sur ordre de Paris, les envoyés de la République sont venus dans tous les villages moïs afin de récupérer les drapeaux de Marie Ier et les remplacer par des étendards tricolores. Vexé, le monarque déchu tente une ultime parade. Il réussit à convaincre un industriel belge de financer une opération visant à récupérer «ses terres» avec des mercenaires recrutés en Malaisie.
    Entreprise qui échoue lamentablement à l'escale de Singapour, où Mayréna apprend du consulat qu'il est interdit de séjour en Indochine. Exilé sur l'île malaise de Tioman, où il collecte des nids d'hirondelle pour les marchands chinois, le roi des Sédangs ne survivra pas à l'affront.


    Dans ces pavillons au bord du lac, l'empereur Tu Duc écrivait des poèmes.Crédits photo : ERIC MARTIN/Le Figaro Magazine

    Le 11 novembre 1890, abandonné de tous sauf de son chien, il meurt. Une mort brutale, à l'image de son existence. Morsure de serpent pour les uns, suicide au poison pour les autres. Sic transit gloria mundi.
    A Kon Jari, siège de son trône éphémère, nous avons vainement cherché trace de son règne: un souvenir, un témoignage, une relique, un objet. Une arbalète, un carquois, des fléchettes nous auraient suffi. Les armes de la défunte armée de Sa Glorieuse Majesté, en quelque sorte.
    Mais des antiquaires fortunés venus de Saïgon en 4 x 4 ont tout racheté cash, nous racontent les villageois. Et dans le rong de Kon Jari, entre un gong de bronze et un crâne de buffle, ce n'est pas le portrait de Marie Ier qui est affiché mais celui d'Hô Chi Minh. Rien, il ne reste rien de Marie-Charles David de Mayréna. Juste un songe évanoui...



    (1) Le terme Moï, qui signifie «sauvage» en vietnamien, désigne - indistinctement et péjorativement - les ethnies de la chaîne annamitique: Bahnars, Rhadés, Djarais, Sédangs, M'nongs, etc. Habitants originels de l'Indochine, ils furent progressivement repoussés dans les montagnes par les Viets du Tonkin et d'Annam (qui constituent 86 % de la population actuelle).

    (2) Le royaume du Champa, dont les cités sacrées comme My Son rivalisent en beauté avec Angkor, était de religion hindouiste et parlait le sanskrit. Cité par Marco Polo, il fut anéanti au XIVe siècle par l'expansionnisme sino-annamite.
    Dernière modification par robin des bois ; 21/07/2012 à 19h11.

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