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Discussion: la mort dans la tradition vietnamienne.

  1. #1
    yen
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    Par défaut la mort dans la tradition vietnamienne.

    J' aimerai pouvoir approfondir, l' idée et la perception de la mort dans la culture vietnamienne, (traditions familiales, dans les guerres, moeurs et coutumes, dans les siécles).
    Tres bonne journée. yen.

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  3. #2
    Passionné du Việt Nam Avatar de Dông Phong
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    J' aimerai pouvoir approfondir, l' idée et la perception de la mort dans la culture vietnamienne, (traditions familiales, dans les guerres, moeurs et coutumes, dans les siécles).
    Tres bonne journée. yen.

    Bonjour Yen,
    Très heureux de vous retrouver.
    Je me permets de vous rappeler que vous trouverez des réponses à vos questions sur les pages 161 à 178 de mon livre (que vous avez acheté) : Nguyen Tan Hung, Le Viêt Nam du XVIIe siècle - Un tableau socioculturel, Ed. Les Indes savantes, 2011.
    Bonnne journée,
    Bien amicalement.
    Dông Phong


    .

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  4. #3
    yen
    yen est déconnecté
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    Phong, merci pour votre réponse, je sais aussi ce que vous m' avez apporté dans la connaissance du Vietnam. J'ai " lancé" cette discussion, pour peut etre essayer de relancer un partage d' idées.
    Tres bonne journée. yen

  5. #4
    Jeune Viêt Avatar de Tac kè
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    J' aimerai pouvoir approfondir, l' idée et la perception de la mort dans la culture vietnamienne, (traditions familiales, dans les guerres, moeurs et coutumes, dans les siécles).
    Tres bonne journée. yen.
    Bonsoir,

    Je n'ai as la culture de ce passage ni les renseignements adéquats...mais je pense que si les Vietnamiens ne tiennent quasiment aucun comte de la date de naissance réelle.... et qu'ils font tant de cas de la date de décès, avec tous les anniversaires, les us et coutumes, les cérémonies auxquelles je suis régulièrement conviée pour les morts de la famille....c'est bien que ce n'est pas anodin et qu'on a bien la perception que c'est le début d'autre chose, non ???? - et puisque on adresse des prières aux défunts, en nommant chaque personne participante pour recueillir son aide, je pense qu'eux aussi, pensent qu'il y a quelque chose derrière ce fameux miroir qui sépare la vie terrestre..d'une autre vie sans doute..

    Cordialement - Tac Kè

  6. #5
    Passionné du Việt Nam Avatar de Dông Phong
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    Bonsoir,

    Je n'ai as la culture de ce passage ni les renseignements adéquats...mais je pense que si les Vietnamiens ne tiennent quasiment aucun comte de la date de naissance réelle.... et qu'ils font tant de cas de la date de décès, avec tous les anniversaires, les us et coutumes, les cérémonies auxquelles je suis régulièrement conviée pour les morts de la famille....c'est bien que ce n'est pas anodin et qu'on a bien la perception que c'est le début d'autre chose, non ???? - et puisque on adresse des prières aux défunts, en nommant chaque personne participante pour recueillir son aide, je pense qu'eux aussi, pensent qu'il y a quelque chose derrière ce fameux miroir qui sépare la vie terrestre..d'une autre vie sans doute..

    Cordialement - Tac Kè

    Bonjour Tac Kè,
    Nous avons déjà longuement parlé du "culte des ancêtres" dans cette discussion :
    http://www.forumvietnam.fr/forum-vie...-ancetres.html
    Bien cordialement.

    Dông Phong


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  7. #6
    Jeune Viêt Avatar de Tac kè
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    Citation Envoyé par Dông Phong Voir le message

    Bonjour Tac Kè,
    Nous avons déjà longuement parlé du "culte des ancêtres" dans cette discussion :
    http://www.forumvietnam.fr/forum-vie...-ancetres.html
    Bien cordialement.

    Dông Phong


    Bonsoir Dong Phong,

    Merci de l'envoi : je n'étais pas inscrite au forum à l'époque de ce lien -

    J'y ai retrouvé effectivement toutes les phases concernant les votives et autres dispositions habituelles relatives aux croyances religieuses. -
    Je vois que le cimetière de Batbat à Son Tay est pour vous, comme pour nous, le lieu où reposent nos familles - Pour répondre à une question posée : non nous faisons brûler tous les votives .... je pense d'ailleurs que c'est nécessaire puisque la fumée est censée montée leur apporter ce qu'ils peuvent désirer : argent, propriété, ou jouets pour les enfants.- peut-être leu feu a-t-il été allumé a posteriori par une personne uniquement chargé de cette tâche ????? à moins que le vent n'ait posé un problème de risque.... - Cet immense cimetière est souvent soumis à des épisodes climatiques pénibles : énorme canicule ou température glaciale.

    Bien cordialement - Tac Kè
    Ai

  8. #7
    Passionné du Việt Nam Avatar de Dông Phong
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    Par défaut Chez les Raglai, montagnards du Centre Viêt Nam


    Bonjour Yen, Tac Kè et TLM,
    Au Viêt Nam, il y a 54 ethnies.
    Or nous n’avons discuté jusqu’ici que des croyances et des rites des Việt Kinh, l’ethnie majoritaire qui représente, certes, environ 87% de la population. Cependant les ethnies minoritaires ont, elles aussi, leurs croyances et leurs pratiques propres qui méritent d’être connues, mais que peu de gens connaissent.
    J’ai publié un long chapitre sur les croyances et les pratiques des Raglai, la minorité montagnarde la plus importante de la province de Khánh Hòa (Centre Viêt Nam, dont le chef-lieu est Nha Trang), aux pages 202-223 de mon livre :

    Dông Phong Nguyễn Tấn Hưng
    Monts et merveilles au pays du Bois d’Aigle
    Cultures migratoires de la province vietnamienne de Khánh Hòa
    Éd. Publibook, 2009, 287 p.
    ISBN : 9782748347630
    Monts et merveilles au pays du Bois d'Aigle - Livre Voyage / Gographie de Dng Phong | Publibook


    Peut-être que cet article, que je reproduis ci-dessous, vous encouragera à voir le Viêt Nam dans toutes ses diversités culturelles.
    Bien cordialement
    Dông Phong




    Des ancêtres.


    Chez les Raglai [212].

    I. LE MONDE SURNATUREL.

    D’après Nguyễn Thế Sang (2003), les Raglai croient que les Yàc [213], qu’on peut traduire par Esprits ou Génies, sont présents partout, résidant dans tous les composants du monde visible, formant ainsi un système supranaturel existant au ciel, dans l’air, à la surface de la terre, sous terre, dans l’eau, etc…A côté de ces Yàc, il existe aussi de nombreuses autres puissances surnaturelles qui exercent en permanence leur emprise sur la vie et les activités des hommes et des femmes.

    En outre, chaque être humain est influencé et géré par de nombreux éléments invisibles qui lui sont propres. Ce sont ses trois vungãq (âmes), ses sept asur (esprits ou souffles vitaux), son rasaq (existence, sort), ses via (génies ancêtres), ses yàc, ses jia (génies collecteurs des impôts dus au monde supranaturel), ses aluah (ancêtres géniteurs), qui sont invoqués dans toutes les cérémonies concernant un individu, depuis sa naissance[214] jusqu’à sa mort.

    Les trois vungãq sont vungãq cachua ou l’âme aînée, vungãq khrãh ou l’âme intermédiaire, et vungãq tiluiq ou l’âme cadette. Les deux premières peuvent voyager librement, rencontrant çà et là de la joie et de la chance, ou des obstacles, des dangers et des accidents. Mais l’âme cadette est soudée en permanence à l’individu, et quand elle le quitte, il meurt.

    Les Raglai considèrent que la conception de chaque être humain a été décidée par le Chef des aluah (ancêtres géniteurs) qui a ordonné à ses aluah de s’incarner en cet individu. Il y a sept ancêtres géniteurs principaux et un certain nombre d’ancêtres géniteurs secondaires, qui gardent la tête et le cou[215] de l’individu. Certains sont bénéfiques et aident l’humain dont ils ont la charge, comme l’ancêtre géniteur qui a la garde des épées et des lances : l’individu qui a la chance d’être soutenu par ce dernier aura du talent et deviendra un membre éminent de la communauté. D’autres aluah, au contraire, comme l’ancêtre géniteur qui injustement fait tomber les mamelles, sont à l’origine des erreurs et des malheurs qui affectent non seulement l’individu mais aussi sa famille et son village. Il faut donc les conjurer tous, les bons comme les mauvais.

    Parmi les via (génies ancêtres), le génie ancêtre père et mère, ancêtre de la famille et de l’espèce est le plus important, car c’est lui qui permet les mariages et la production d’enfants : le mariage est la vie de l’espèce [216]

    Par ailleurs, les Raglai croient que chaque individu est l’incarnation d’un Esprit, c’est pourquoi il doit payer ses dettes ou ses impôts qui sont inscrits dans les registres des jia, ces nombreux génies collecteurs d’impôts. Il faut donc les conjurer régulièrement aussi.

    Pour terminer avec le monde supranaturel des Raglai, il faut savoir aussi que de nombreux esprits président les montagnes, les cours d’eau, et les toponymes en général. Parmi eux, Cơi Marish Mỏq Vila forment le couple de créateurs : quand le monde était encore sous sa forme incomplète sans relief, Monsieur Marish fit pousser les plantes et les arbres, Madame Vila bâtit les montagnes. Ils utilisaient aussi de la farine de céréales pour modeler des humains à leur image, mais ces derniers étaient imparfaits, infirmes, et ne vivaient pas longtemps, jusqu’à ce que Monsieur Marish et Madame Vila pussent voler au Ciel une gourde de sang céleste afin de le mélanger à la farine. Depuis, les humains, enfants de Monsieur Marish et de Madame Vila, sont aussi beaux que ceux du Ciel, vivent longtemps et se reproduisent nombreux pour peupler les montagnes et les forêts. Le Ciel, pour les punir, envoya de grands généraux provoquer des typhons et des inondations, mais Monsieur Marish écopa l’eau et Madame Vila balaya les détritus au nombril de la mer (l’horizon) : depuis, le niveau de la mer est maîtrisé, assurant la sécurité à l’espèce humaine et à tout le monde terrestre, ce qui dure encore jusqu’à maintenant.

    II. LES DIFFERENTES MORTS.

    Vivant sous l’emprise de tant de puissances surnaturelles, il est prévisible que les Raglai ont aussi des rites funéraires très riches et très complexes, que nous décrivons ci-après d’après la publication de Nguyễn Thế Sang et Chamaliaq Riya Tiẽng (2003) [217].

    D’abord, les Raglai distinguent les morts anormales des morts selon la loi des Yàc, c’est-à-dire les morts « naturelles » :

    1. Les morts anormales.

    Elles concernent :

    - Les fœtus avortés avant terme, considérés comme morts lors d’une chute de leur mère : ils sont enterrés comme si l’on les a jetés ;

    - Les avortons morts dans le ventre de leur mère ou immédiatement après l’accouchement, considérés comme des poussins qui n’ont pas éclos ; ils sont enterrés parfois comme les précédents, parfois avec tout le cérémonial normal car ils ont déjà une forme et un destin propres.

    Cependant, dans la pratique, presque tous les avortements sont suivis d’enterrements comportant tout le cérémonial normal, car les avortons sont aussi le sang et la chair de leurs parents.

    - La mort des jeunes enfants et la mort accidentelle des adultes qui sont des morts injustes. Ces accidents peuvent se produire lors d’une chute, d’un éboulement de la montagne, d’un orage ou quand la victime tombe dans une fosse, dans un piège ou qu’elle est tuée par un tigre ou un autre fauve. Ce sont des morts injustes provoquées par des esprits maléfiques ou des Yàc étrangers, et l’on dit aussi que le Ciel réclame le sang. Les Raglai croient que les âmes (vungãq) résident dans le cœur et les esprits vitaux (asur) dans le foie : c’est pourquoi ces accidentés meurent en crachant leur sang par la bouche quand leurs âmes et leurs esprits vitaux s’envolent vers le ciel.

    Dans ces cas, même quand le cadavre est complètement décomposé, il est absolument interdit de le déplacer, surtout ne pas le ramener à la maison : il faut l’enterrer sur place et célébrer les cérémonies funéraires après.

    Dans le cas où le corps a disparu (quand il est emporté par un tigre ou d’autres animaux sauvages) et qu’on ne trouve que des traces de sang et les outils abandonnés par le mort (vêtements, hotte, arbalète, carquois, râpe…), celui qui les découvre doit les laisser intacts, sans les toucher ni les déplacer, car il doit en avertir immédiatement le Po Chưq (Chef de la montagne) ou le Po Palơi (Chef de village) pour qu’ils viennent constater la disparition (car cela concerne les lois régissant l’utilisation de la montagne et des forêts) et autoriser les funérailles.

    Avant de commencer les cérémonies, on prend une pièce de bois (parfois on la sculpte pour lui donner une forme humaine) pour représenter la victime et la déposer à l’endroit où les traces de sang sont les plus larges : on nomme cette pièce de bois gai tuah ou l’objet qui guide les âmes. On réunit ensuite les outils abandonnés qu’on pose à côté et on commence la cérémonie du rappel des âmes du mort pour qu’elles pénètrent dans le gai tuah. Après avoir enterré les restes, on ramène le gai tuah à la maison.

    Ceux qui ont participé à ce genre d’enterrement ne doivent pas monter directement dans la maison[218], mais doivent d’abord procéder à une cérémonie de lavage et de purification des mains et des pieds officiée par un Po cadjàq jalàt atơu, ou simplement Po atơu, le Maître qui guide le mort. La cérémonie est célébrée dans la cour devant la maison, les offrandes devant comporter au moins un poulet et une jarre d’alcool. En même temps qu’il récite des prières, le Po atơu asperge de l’eau magique de termitière (ìa mũa)[219] sur les gens et les outils ayant servi à l’enterrement pour purifier et supprimer toute pollution qui pourrait amener des infortunes, et solliciter que la sécurité et la paix soient accordées aux gens et à leur village.

    2. Les morts selon la loi des Yàc.

    Ce sont des morts « normales » selon le cycle des « naissance – vieillesse – maladies – mort » des êtres vivants. Les Raglai les considèrent comme des morts selon la loi des ancêtres ou décidées par les Yàc, les puissances surnaturelles :

    La personne est morte,
    Son visage est absent,
    Sa peau devient Yàc et ses os des Esprits,
    Il demeure avec le Seigneur qui garde son tombeau, avec le Yàc qui garde sa tombe,
    Il veillera et bénira les enfants, les petits-enfants et la famille…

    « Sa peau devient Yàc et ses os des Esprits » signifie que sa peau deviendra un Yàc appelé Yàc vungãq ou le Yàc des âmes, et ses os et tous ses restes deviendront des Atơu ou Esprits.

    Les Raglai ont en outre cette conception :

    La personne est morte,
    Ses âmes quittent son corps,
    Quittent son corps comme l’on enlève de la peau un vêtement usé,
    Comme l’on détruit une maison délabrée qu’on ne peut plus habiter…

    Dans cette conception, le corps n’est qu’un élément matériel, c’est pourquoi quand il est délabré, il faut vidhi, c’est-à-dire le quitter, couper les liens et l’abandonner ; quant aux âmes, bien qu’elles soient invisibles, elles reviennent chez les ancêtres, chez le Seigneur ancêtre géniteur, à la racine d’autrefois : elles subsisteront toujours en attendant de se réincarner dans un fœtus pour revenir en ce bas monde avec un nouveau corps.


    III. LES FUNERAILLES.

    Les funérailles chez les Raglai sont célébrées avec deux rituels principaux :

    - Pơi vidhi pasiq pavhiq ou Cérémonie pour terminer définitivement les funérailles, en abrégé pasiq pavhìq ou les funérailles.

    - Pơi vidhi rau tangãn su vidhi payloh lũng ala, dih chĩng lũng tàr ula garai ou Cérémonie pour terminer définitivement, se laver les mains, et cérémonie pour quitter le bas monde, le lieu de grande obscurité des génies serpent et dragon, en abrégé vidhi atơu ou abandon du mort (qu’on appelle aussi abandon du tombeau).

    1. Pasiq pavhìq ou les funérailles.

    La solidarité et les activités communautaires sont les grands traits de la culture traditionnelle raglai. Ainsi, quand un décès se produit dans une famille, il ne concerne pas uniquement ses parents proches et éloignés, mais aussi toute la communauté du hameau et du village qui va participer aux efforts et à la peine. Habituellement, on procède successivement aux rituels suivants :

    a) Arranger le corps du mort.

    Quand le mourant cesse de respirer, le premier devoir de ses proches est de s’occuper de son hygiène, en lavant soigneusement son corps, en arrangeant sa natte et ses draps, et en lui mettant des vêtements propres. Dans les familles qui ont des moyens, on étend un drap (normalement de couleur blanche) sur le plancher et on y allonge le mort sur le dos, avec les jambes bien droites. Si c’est un homme, on pose ses deux mains sur sa poitrine, et si c’est une femme, ses deux mains sont posées sur son ventre.

    b) Inviter le Po atơu :

    Pour la direction et la réalisation des cérémonies des funérailles, on invite des membres de la famille ou d’autres habitants du village qui connaissent bien les textes cultuels, les coutumes et les mœurs, qui maîtrisent les tabous et les interdits, en particulier ceux concernant les rites funéraires :

    Le Po cadjàt jalàt atơu ou le Maître qui guide le mort, en abrégé Po atơu, est le responsable qui dirige et exécute tous les rituels. Pour le seconder, il y a le Po cadjàt acoq atơu ou le Monsieur qui porte la tête du mort, et le Po cadjàt tacai atơu ou le Monsieur qui porte les pieds du mort.

    c) Dàq mata atơu : arranger / régaler / offrir un repas au mort.

    Cette partie comporte ces rituels :

    - Caresser le visage du mort.

    - Offrir un repas au mort : habituellement l’offrande consiste en un bol de riz avec un œuf dur déposé dessus (parfois on ajoute un poulet cuit à l’eau), l’ensemble étant disposé sur un plateau qu’on pose à gauche de la tête du défunt.

    - Invoquer les Yàc pour le mort : la prière est exécutée par l’homme le plus âgé de la famille, qui pourrait devenir le Po atơu, ou par le Po atơu déjà nommé lui-même.

    d) Sir atơu : entrer en relation avec le mort.

    Les amis, les voisins et les autres villageois viennent rendre visite au mort en apportant leurs offrandes. Pour commencer, le Po atơu verse de l’alcool de riz dans un verre en cuivre, le porte respectueusement à son front et fait une invocation en récitant les noms des visiteurs, en énumérant leurs offrandes et en demandant au mort de les bénir. Puis il présente le verre d’alcool à chacun des visiteurs qui le touche de sa main pour exprimer son respect et sa peine. Ensuite le Po atơu trempe un doigt dans le verre et envoie quelques gouttes d’alcool sur les offrandes. Enfin, le Po atơu, au nom de la famille du défunt, invite les visiteurs à boire de l’alcool.

    Pendant cette cérémonie, on ne doit pas brûler du bois d’aigle, ni fumer du tabac, car leur fumée pourrait empêcher le mort, qui est encore dans des profondeurs pas encore pacifiées, de se réincarner dans un fœtus. Ainsi le bois d’aigle est réservé uniquement aux divinités et aux esprits.

    e) Confection du cercueil.

    Le cercueil le plus simple est composé de lattes de bambou ou de bois : c’est le plus ancien modèle et il n’est plus utilisé que par des familles très pauvres. Le cercueil en auge est formé de deux troncs d’arbre au bois tendre évidés qu’on assemblera l’un sur l’autre. Le vrai cercueil en planches de bois est d’apparition récente. Il est à noter que, avant d’abattre l’arbre qui va servir à confectionner le cercueil, on doit faire une petite cérémonie d’offrande au pied de l’arbre, car les arbres ont aussi des âmes et qu’ils sont sous l’administration des génies de la montagne et de la forêt.

    f) Pabơq vòc pataq : nourrir le cercueil.

    C’est le cérémonial de mise en bière. Le Po atơu récite une prière en même temps qu’il guide ses deux aides à effectuer les nombreux rituels :

    - Ngã gai tuah : confectionner l’objet sacré qui guide les âmes. Le gai tuah, dans ce cas, est un bâton en bois long de 50-60 cm, un peu plus épais que le pouce, bien poli, avec un anneau métallique à une extrémité. Dans certaines familles, on utilise simplement un gơi tagac, c’est-à-dire le manche d’un chà gạc (râpe, outil aratoire).

    - Un pabơc vòc pataq : littéralement le cochon qui nourrit le cercueil. Le Po atơu récite des prières et invite le cercueil à se nourrir de viandes, de riz, de bétel et de noix d’arec disposés sur un plateau à pieds à côté d’une jarre d’alcool de riz, afin que le cercueil veuille bien accepter le corps du mort.

    - Patamã gai tuah carah đùq : cérémonie de pénétration des âmes dans le gai tuah, rituel qui suit immédiatement la cérémonie précédente. Avec ce rite, on croit que les âmes du mort pénètrent dans le gai tuah.

    - Jaluq acoq toc hadac : littéralement le grand bol dont la tête marque avec du charbon. Le Po atơu frotte du charbon de bois avec de l’eau sur la base d’un grand bol de grande valeur – habituellement en cuivre – en faisant des prières. Puis, en soulevant la veste du mort, il imprime le bol noirci de charbon sur sa poitrine, la marquant ainsi d’un cercle noir. On croit que les âmes du mort sont aspirées dans le bol, et désormais elles résident dans deux objets sacrés, le gai tuah et le grand bol dont la tête marque avec du charbon.

    - Expulsion des esprits malins : en premier lieu, le Po atơu chasse ces esprits hors du cercueil. Puis il répand de l’eau magique de termitière autour du cercueil pour empêcher les âmes des proches, et en particulier celles des enfants, perturbées dans ces moments de peine et de douleur, de suivre le mort dans le cercueil. Enfin, il chasse les esprits malins loin du cercueil avec des fleurs d’un roseau nommé viluai dont les pétales blancs ressemblent à des aiguilles acérées.

    - Patamã vòc pata : mise en bière. En récitant des prières avec le gai tuah à la main, le Po atơu guide ses deux aides, le Monsieur qui porte la tête du mort et le Monsieur qui porte les pieds du mort, à déposer la dépouille du défunt dans le cercueil.

    - Chơu srơp chìc chhar : musique funèbre des gongs (chiêng et mã la). On fait aussi vibrer des bols en cuivre pour émettre une triste musique, en leur frottant les bords avec les doigts.

    - Choc hia : pleurs rituels. En pleurant, les proches du défunt, racontent en se lamentant leur douleur, leurs regrets, et tous les profonds sentiments qu’ils ont pour lui. Ces pleurs et ces musiques terminent la cérémonie de mise en bière.

    g) Vhỡn calơi luvàc atơu : creusement de la tombe. Immédiatement après le décès, surtout dans les localités où l’on a la coutume d’enterrer les morts le même jour, le Po atơu et quelques proches emmènent des offrandes avec eux pour aller choisir l’emplacement de la sépulture. Le meilleur endroit est sur une colline, avec la possibilité de creuser la tombe perpendiculairement à la pente, la tête du mort tournant vers le soleil levant et les pieds vers le soleil couchant. Si l’emplacement convient, on déploie sur le sol les offrandes (du bétel, de l’alcool de riz,...), en déposant à leur côté le gai tuah et le gai thưc gai danõ atơu, c’est-à-dire la baguette qui a servi à mesurer le cercueil. Ensuite, on dessine par terre l’emplacement de la tombe pour bien marquer les limites du pays. Puis, on prie les esprits de la forêt et de la montagne de bien vouloir accorder ce lieu de repos au mort, avant de creuser la tombe.

    h) Chatùc atơu nãu dơr paq luvàc : le transport du mort vers sa tombe. Le transport du mort vers sa tombe se fait immédiatement après la mise en bière. Si la coutume de certaines localités exige que le mort soit enterré le jour même de son décès, et qu’il fait déjà nuit, on effectue quand même ce transport à la lumière des torches. Parfois, après la mise en bière, on doit attendre l’arrivée des parents qui viennent de loin, et l’on ne transporte le corps vers sa tombe que le lendemain.

    Le Po atơu ouvre la voie au convoi funèbre, tenant dans la main le gai tuah (ou à défaut le gơi tagac). Derrière lui marche l’homme qui porte le grand bol dont la tête marque avec du charbon. Le cercueil suit, porté par le Monsieur qui porte la tête du mort et le Monsieur qui porte les pieds du mort. Dans le cas où la sépulture est séparée de la maison par un long trajet en montagne avec plusieurs cols à traverser, le cercueil est accroché à une poutre funéraire portée par plusieurs hommes, mais sur le chemin ces porteurs doivent marcher les uns derrière les autres afin de ne pas former une image de pattes de crabe. La famille, les amis, les voisins, etc… suivent derrière.

    i) Vhỡn dơr atơu : l’enterrement.

    Dès que le convoi arrive au lieu préparé pour la tombe, le Po atơu va commencer la série de rituels requis :

    - Pơl sa-ùq luvàc atơu : prière à la fosse destinée aux génies en charge des fosses, aux esprits malins vivant sous terre…Le Po atơu pose son gai tuah parallèlement au bord de la fosse, fait signe aux porteurs de déposer le cercueil à côté, et commence sa prière. Ensuite, il reprend son bâton sacré et exécute une danse macabre au son de la musique jouée par un orchestre de gongs mã la, en faisant six tours autour du cercueil et de la fosse.

    - Samẽq adãt pual da do gai danõ : divination avec la baguette qui a servi à mesurer le cercueil. Après sa danse, le Po atơu tapisse la fosse avec des feuilles de bétel et des noix d’arec, ensuite dépose la baguette au fond de la fosse. Puis, avec la pointe en fer de l’outil aratoire appelé bâton à fouir, il va casser la baguette en deux : si la portion de la baguette orientée vers les « pieds » de la tombe est la plus longue, le mort a terminé son destin de mangeur de riz, sa mort est naturelle ; si la portion de la baguette orientée vers la « tête » de la tombe est la plus longue, le destin du mort est encore long, il n’aurait pas dû mourir, sa mort est vraiment injuste et regrettable.

    - Iaq ia huruơi ia vilàt : regarder le soleil et la lune. Les proches, les amis et les voisins se pressent autour du cercueil, en pleurant et en se lamentant :

    Veuillez ouvrir le linceul qui couvre son visage
    Pour qu’il voie l’heure et le jour,
    Qu’il voie le soleil, qu’il voie la lune,
    Et les quatre points cardinaux…

    Le Po atơu ouvre le cercueil et découvre le visage du mort pour que tout le monde le voie une dernière fois afin de lui dire adieu en poussant de plus en plus fort les pleurs et les lamentations.

    - Chròq atơu luvàc : conduire le mort dans sa fosse. Le Po atơu verse de l’alcool dans le grand bol dont la tête marque avec du charbon, puis, tout en priant, il asperge la fosse avec de l’alcool et lance encore dedans des feuilles de bétel et des noix d’arec. Après ce rituel, il fait descendre le cercueil dans la fosse en veillant à ce qu’il soit disposé bien correctement.

    - Ngãq atơu ralơp lanơr : construction d’un plancher au-dessus du cercueil. Avec des matériaux préparés à l’avance, on plante des piquets dans la fosse, près de ses bords, et l’on construit un plancher plat en bois et en bambou à quelques empans au-dessus du cercueil, laissant ainsi un vide afin que la terre ne pèse pas sur le mort, et aussi pour que la tombe puisse s’effondrer rapidement, ce qui est un signe de « salut » pour le mort.

    - Tỡm chur labàq pinãng ga atơu : offrir du bétel pour dire adieu au mort. Le Po atơu récite de nouveau une prière et lance des feuilles de bétel et des noix d’arec dans la fosse. Les autres participants à la cérémonie en font autant après le Po atơu, afin de dire adieu au mort. Quand tout le monde a offert le bétel et l’arec au mort, chacun prend une poignée de terre et la jette dans la fosse. On remplit la fosse ensuite de terre, en l’égalisant à la surface, donnant au sol du lieu son niveau naturel antérieur, sans faire de tumulus.

    - Vhỡn dưh vanẽq : construction de la maison funéraire. Sa construction dépend de la cérémonie d’abandon du mort décidée selon la volonté de chaque famille : si la famille prévoit de ne faire cette cérémonie que quelque temps après, on va construire au-dessus de la tombe une maison funéraire provisoire orientée vers le soleil couchant, avec un toit ayant un seul versant peu pentu ; si la famille décide de célébrer l’abandon du mort immédiatement après l’enterrement, on construit au-dessus de la tombe une maison funéraire simple sans aucune décoration, sans pilier funéraire, mais ayant un toit à deux versants couvert de chaume.

    Il est à noter que la maison funéraire, qu’elle soit provisoire ou définitive, reçoit tous ces équipements : à l’intérieur de la maison, tous les outils et ustensiles, une cuisine avec ses pierres du foyer sur lesquelles est posée une marmite remplie de riz ou de maïs grillé ; à l’extérieur de la maison, une gouttière pour amener de l’eau, une aire pavée de galets de source pour la toilette et le lavage des vêtements… Les maisons funéraires sont toujours orientées vers le couchant.

    - Ngãq tacai linhàt anảq tijuh dadlòc langỉq : poser l’échelle à sept marches pour le disparu. On fait sept entailles sur la poutre funéraire qui a servi au transport du cercueil et on y fixe sept baguettes, et l’on plante l’ensemble incliné, avec la tête en bas, sur le côté ouest de la sépulture : c’est le chemin vers le ciel qu’on rencontre à côté des maisons funéraires des minorités des Hauts Plateaux.

    - Tỡm chur labàq ga atơu : offrande de bétel pour dire adieu au mort. C’est le dernier rituel effectué avant que tout le monde rentre chez soi. Le Po atơu pose le gai tuah au centre de la tombe, et les proches déposent le grand bol dont la tête marque avec du charbon à côté (les deux objets où résident les âmes du mort). Puis le Monsieur qui porte la tête du mort et le Monsieur qui porte les pieds du mort étendent un drap blanc à la tête de la tombe et y déposent des offrandes comprenant un œuf cru, un bol tapissé de bouchées de bétel et rempli de riz, et un autre bol rempli de riz aussi. Le Po atơu prend ce deuxième bol, et avec le riz il dessine une forme humaine avec la tête, les bras et les jambes au dessus de la tombe, exactement au-dessus de la position supposée du mort. Il récite de nouveau une prière pendant que les proches poussent leurs pleurs rituels. A la fin de sa prière, le Po atơu lance une bouchée de bétel sur la tombe, remplit le grand bol dont la tête marque avec du charbon d’alcool de riz et, de ses doigts, asperge la sépulture. Les autres participants en font autant pour dire adieu au mort, puis rentrent chez eux les uns après les autres.


    2. Vidhi atơu ou cérémonie de l’abandon du mort.

    On l’appelle aussi cérémonie de l’abandon du tombeau. La voici résumée dans la Monographie de Khánh Hòa :

    Cette cérémonie de l’abandon du mort est le dernier rituel funéraire. Elle a pour but d’aider le mort à quitter définitivement son corps matériel, pour que ses âmes puissent rejoindre ses ancêtres afin de se réincarner ultérieurement dans un fœtus pour revenir au monde des vivants. Le corps (tel une maison délabrée inutilisable) devient un esprit, c’est pourquoi les proches du mort, malgré leur peine et leur douleur, restent sereins quand ils préparent tout ce qui est nécessaire pour remplir leur devoir de fidélité.

    Hors du cas où la cérémonie de l’abandon du mort a été célébrée immédiatement après l’enterrement, on la prépare normalement pendant un an, afin d’avoir suffisamment de temps pour l’annoncer aux parents proches et éloignés et aux amis, pour réunir tous les matériaux nécessaires à la construction de la maison funéraire, pour organiser les représentations artistiques et les réjouissances, car cette cérémonie est aussi une fête très populaire.

    En attendant, dans le courant de l’année, la famille doit organiser des visites à la tombe et offrir du riz dans la hotte déposée dans la maison funéraire provisoire, célébrer la cérémonie d’ouverture de la porte au mort (en réalité pour réunir les proches afin de préparer la cérémonie de l’abandon du mort), offrir des repas au mort et faire des sacrifices au Yàc du mort, et observer en permanence les tabous en s’interdisant toute réjouissance (comme par exemple célébrer un mariage). Pendant cette période, en dehors de ces préparatifs effectués en fonction de ses moyens (comme élever des poulets, des porcs, fabriquer de l’alcool de riz…), la famille doit s’occuper des rituels importants suivants :

    - Construction de la maison funéraire [220].

    La cérémonie d’érection du cadre de la maison funéraire commence par une prière déclamée par le Po atơu, visant à libérer le mort des chaînes des esprits malins. Après la prière, on va poser le cadre sur la tombe tout en s’assurant qu’il est solidement fixé dans la bonne direction. Immédiatement après, on pose le toit de la maison.

    On procède ensuite à la cérémonie d’érection du pilier de tête et du pilier des pieds. Ces deux piliers représentent le mort enterré dans sa tombe (on les appelle aussi les Piliers sacrés), c’est pourquoi on les pose en dernier lieu, séparément des autres piliers de soutien de la maison funéraire : quand la construction de celle-ci est terminée, on déploie les offrandes et l’on érige ces deux piliers aux emplacements au-dessus de la tête et des pieds du mort.

    Dans certaines localités, on sculpte une barque miniature en bois (appelée ahòq) qu’on fixera sur la maison funéraire. Dans ce cas, la barque est décorée et peinte aussi somptueusement que la maison funéraire. La cérémonie dédiée à la barque commence à la maison, puis on la porte en procession jusqu’à la maison funéraire. Les offrandes comportent habituellement un porcelet et une jarre d’alcool de riz. Après la cérémonie, on fixe la barque miniature sur le toit de la maison funéraire sous la direction du Po atơu.

    Quand la construction de la maison funéraire est complètement terminée, la famille réaménage sa cuisine, remet les outils et les ustensiles à leur bonne place, répare la conduite d’eau, et nettoie complètement la maison une dernière fois.

    « Le tombeau, construit à cette occasion, montre tout le talent artistique de toute la communauté, l’art de la sculpture, de la peinture, de l’architecture et du décor », peut-on lire au Musée d’Ethnographie de Hà Nội, où l’on peut voir aussi, exposée dans le parc, une maison funéraire, grandeur nature construite par une minorité montagnarde voisine, les Gia Rai (Photo 14).

    - Cérémonie d’accueil des ancêtres et du bâton sacré gai tuah. Après avoir récité une prière, le Po atơu guide une troupe de danseurs équipés de gongs mã la qui vont faire trois tours de danse et de musique autour de la maison funéraire, puis tout le monde rentre à la maison de la famille du mort. En arrivant dans la cour de la maison, tous les participants ainsi que tous les outils utilisés pour les funérailles doivent être purifiés par l’eau magique de termitière, avant de procéder au rituel suivant consistant à frapper (légèrement) un porc et un poulet, simulant un sacrifice d’animaux vivants.

    - Cérémonie de rencontre avec les ancêtres : on la célèbre au pied du pilier principal qui soutient le toit de la maison. L’offrande est une corbeille en bambou tressé contenant des feuilles de bananier et des tronçons de bambou (simulant des jarres d’alcool). Ensuite, la famille procède au partage des biens à l’intention du mort, parmi lesquels les plus précieux sont le grand bol dont la tête marque avec du charbon et les biens hérités des ancêtres. Mais les autres « biens » offerts au mort ne sont que des substituts factices (les gongs sont des rondelles découpées dans un tronc de bananier, le buffle est une fleur de bananier, la chèvre et le bœuf sont des mannequins en bambou tressé, les porcs, les poulets et les canards sont remplacés par des fruits de cotonnier, des noix d’arec, des feuilles de bétel) [221].

    Dans le cas où la personne défunte était encore mariée, sa femme ou son mari doit célébrer une cérémonie présidée par le Po atơu pour couper définitivement leurs liens conjugaux :

    Aujourd’hui
    Sont terminées les paroles, sont terminées toutes les affaires…
    Le mari a perdu sa femme, la femme a perdu son mari,
    Tu es entré(e) dans le monde invisible des Esprits,
    Dans un monde séparé et étranger…
    Je reste dans cette vie, si je rencontre un tronc d’arbre, je lui marcherai par-dessus,
    Si je rencontre de l’eau, je m’y baignerai…
    Si je rencontre une jeune personne (ou un garçon) qui me convient…
    Nous n’avons plus aucune relation quelconque entre nous !
    Toi qui es dans le monde séparé, ne me fais aucune réclamation, aucun reproche ! [222]

    - Cérémonie de transfert de la corbeille d’offrandes à la maison funéraire et de destruction des biens du mort : le Po atơu se rend le premier à la maison funéraire en tenant à la main le gai tuah et y récite une prière. Puis on jette sur les deux côtés du chemin les offrandes et les « biens » (factices) du mort contenus dans la corbeille. A la fin, le Po atơu brise le gai tuah en deux morceaux et les jette dans deux directions différentes (signifiant ainsi la séparation des routes suivies par le mort et les vivants), avant de repartir en courant sur une bonne distance.

    - Le rituel d’accueil des nouvelles semences et les réjouissances faisant suite à l’abandon du mort. Le Po atơu a auparavant caché des graines (de riz, de larmille, de maïs, de haricots…) dans un endroit connu de lui seul. Sur le chemin du retour, il fait un détour pour les reprendre avec lui. Désormais il n’est plus le Po atơu, mais il est devenu un visiteur étranger qui apporte des nouvelles semences qu’il déposera sur le plateau d’offrandes disposé à côté du pilier principal de la maison. Tout le monde laisse alors éclater sa joie en recevant très respectueusement ce visiteur étranger considéré comme une divinité qui apporte de précieuses semences. La vie nouvelle vient d’entrer dans la maison, effaçant toutes les peines et les douleurs.

    Les gongs mã la se mettent immédiatement à jouer allègrement une musique vantant la vie paisible, prospère et pleine de bonheur, faisant éclore la joie dans la maison. Les jarres d’alcool de riz qui ont mûri depuis des mois font leur apparition, les plats de viandes offerts par la famille ou apportés par les invités circulent, les conversations s’animent au milieu des rires répondant à de joyeuses plaisanteries. La vie renaît à partir des nouvelles semences.

    Ainsi, grâce à cette pratique de l’abandon du mort (ou du tombeau), « au sein des réjouissances, c’est l’occasion pour les villageois de consolider leurs liens et retrouver leurs racines » (panneau d’information au Musée d’Ethnographie de Hà Nội).

    Cependant, d’après Nguyễn Thế Sang et Chamaliaq Riya Tiẽng (2003), tous les membres de la famille restent après le départ des invités pour faire la récapitulation des cérémonies (pour voir si tout a été bien effectué dans les règles), pour se consoler et resserrer leurs liens, et enfin pour se consacrer à la dernière coutume qui va clore définitivement les funérailles : le partage des biens de la personne défunte. En particulier si celle-ci était un homme marié, la famille de la femme remet à celle du mari le grand bol dont la tête marque avec du charbon qui est considéré comme le lieu de résidence de ses âmes. En effet, ce bol sera transmis de génération en génération comme un héritage familial des plus précieux. Parfois, la famille du mari décédé peut aussi ramener chez elle quelques objets qui lui appartenaient, pour les garder comme des souvenirs du défunt[223].


    Notes :
    [212] Se rappeler que les Raglai forment l’ethnie minoritaire la plus importante de Khánh Hòa (voir supra, Introduction).
    [213] Yàc : à rapprocher de yang (esprit, génie, puissance surnaturelle) en cham ; les Viêtnamiens le traduisent par thần, giàng, dàng ou nhang.
    [214] Entre 10 jours à un mois après la naissance d’un enfant, on organise une cérémonie pour déclarer sa naissance et lui donner un nom.
    [215] En italiques sont des expressions raglai traduites directement.
    [216] Voir infra, Des mariés (suite).
    [217] Un résumé de ces croyances et de ces pratiques se trouve aussi in Collectif, Monographie de Khánh Hòa, pp. 408-412.
    [218] Les maisons sont sur pilotis.
    [219] On prend de la terre dans une termitière, la délaye dans l’eau et filtre le jus dans un bol en cuivre ou en bronze : ce jus est l’eau magique de termitière.
    [220] On l’appelle aussi parfois le tombeau.
    [221] Nguyễn Thế Sang et Chamaliaq Riya Tiẽng (2003).
    [222] Nguyễn Thế Sang et Chamaliaq Riya Tiẽng (2003).
    [223] Les Raglai sont matrilocaux (voir infra, Des Mariés).


    ----------

    Bibliographie.

    Chamaliaq Riya Tẽng, ‘‘Môt vài suy nghĩ về việc ăn Tết của người Raglai’’ (‘‘Quelques réflexions sur la manière de fêter le Nouvel An des Raglai’’), in Nguyễn Văn Khánh (éd.), Diện mạo văn hóa Khánh Hòa (Physionomie culturelle de Khánh Hòa), op. cit., pp. 213-232.

    Collectif, Địa chí Khánh Hòa (Monographie de Khánh Hòa), op. cit., pp. 408-412.
    Nguyễn Thế Sang et Chamaliaq Riya Tiẽng, ‘‘Việc tang ma của người Raglai’’ (‘‘Les rites funéraires chez les Raglai’’), in Nguyễn Văn Khánh (éd.), Diện mạo văn hóa Khánh Hòa (Physionomie culturelle de Khánh Hòa), op. cit., pp. 341-386.

    Nguyễn Thế Sang, ‘‘Mô hình con tàu (Ahòq) trong nghi lễ cầu cúng của người Raglai’’ (‘‘La barque miniature (Ahòq) dans les rituels religieux des Raglai’’), in Nguyễn Văn Khánh (éd.), Diện mạo văn hóa Khánh Hòa (Physionomie culturelle de Khánh Hòa), op. cit., pp. 194-212.







    Photo 14. Maison funéraire
    (Photo © Dông Phong)
    Dernière modification par Dông Phong ; 06/04/2014 à 09h54. Motif: Ajout de la photo
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    ...

    « Le tombeau, construit à cette occasion, montre tout le talent artistique de toute la communauté, l’art de la sculpture, de la peinture, de l’architecture et du décor », peut-on lire au Musée d’Ethnographie de Hà Nội, où l’on peut voir aussi, exposée dans le parc, une maison funéraire, grandeur nature construite par une minorité montagnarde voisine, les Gia Rai (Photo 14).

    ...

    Détails de la maison funéraire précédente, pour illustrer ce propos :




    (Photo © Dông Phong)


    Mais les représentations artistiques qu'on y trouve donnent surtout l'espoir que la fécondité et la vie continuent.

    Dông Phong



    PS : je ne peux plus insérer des images par ImageShack ! Cette plate-forme n'est plus gratuite, apparemment !




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