Du thé glacé gratuit contre les coups de bambou
13/05/2012 13:10
En cette période la plus chaude de l’année à Hô Chi Minh-Ville, où l’on atteint tous les jours des températures de 35°C voire plus, de grandes bonbonnes de thé sont mises gratuitement à la disposition des passagers pour se désaltérer. Rencontre avec des gens qui ont le cœur sur la main.
Le mercure de Hô Chi Minh-Ville n’en finit pas de monter. Il n’est pas rare qu’il dépasse les 35°C. Des passants s’arrêtent quelques instants au bord de la route pour prendre un verre de thé sur le trottoir, généreusement offert par des «tenanciers» qui n’ont d’autre souci que de permettre aux gens de passage de se rafraîchir sous cette chaleur accablante. La première adresse qui propose cela se situe au niveau du carrefour Nam Ky Khoi Nghia-Vo Van Tân (3e arrondissement), tenue par un couple. Nguyên Thi Ngoc Liên, l’épouse, vit principalement de la vente des boissons. Mais depuis deux ans, alors qu’un verre de thé glacé se vend 1.000 ou 2.000 dôngs, le couple propose aux passants en surchauffe de se désaltérer sans réclamer un centime... pardon, un dông!
Chaque jour, c’est le même train-train. Elle se lève aux aurores pour ouvrir son café et préparer du thé. Chaque bonbonne - de grande contenance - lui coûte 22.000 dôngs. Une somme qui peut paraître dérisoire pour certains, mais qui représente une demi-journée de salaire pour d’autres. Mme Liên raconte qu’après la mort de son grand-père, son vœu le plus cher était de faire le bien à chaque jour qui passe. Mais par où commencer ? Vendant des boissons depuis plus de 15 ans, c’est tout naturellement que lui est venue cette idée.
En effet, en observant les passants déambuler à pied ou à moto sous le cagnard de Hô Chi Minh-Ville, beaucoup semblaient avoir la gorge sèche. Elle a donc posé une bonbonne de thé glacé en plastique à même le trottoir. Les passagers, un peu méfiants au début par peur de boire quelque chose de frelaté - la gratuité de nos jours où tout se monnaye est perçue comme louche - ont rapidement mis leurs doutes de côté. Au début, seuls les vendeurs ambulants et chauffeurs de mototaxi s’y arrêtaient. Puis cela a été le tour des employés de bureau, vendeurs de journaux, étudiants etc. Maintenant, même les gens qui ne sont pas du coin viennent y boire un verre.
Un employé du théâtre 5B Vo Van Tân lui a même offert en retour une grande bonbonne en inox et des verres en plastique flambant neufs. Un geste très apprécié de la maîtresse des lieux, sachant que la vie n’est pas facile tous les jours pour elle, l’argent faisant cruellement défaut. L’argent justement, certains de ses habitués lui en donnent quelques fois pour l’aider dans sa mission de bienfaisance qu’elle s’est promis de mener à la mort de son grand-père.
L’argent ne fait pas le bonheur !
Autre exemple avec Mme Huong, qui offre ce service au 61, rue Diên Biên Phu (1er arrondissement), avec une énorme bonbonne en inox de 50 litres. Sa belle-fille, Mme Ly raconte : «Auparavant, nous disposions d’une bonbonne en plastique. Mais nous venons de la remplacer par celle-ci, qui peut être réutilisée +ad vitamaeternam+ ou presque. Cela fait cinq ans que nous faisons cela». Chaque jour après 22h00 - heure à laquelle il est temps de fermer boutique - sa famille va laver soigneusement la bonbonne pour le lendemain. À 5h30 du matin pétantes, Mme Huong s’occupe de faire bouillir de l’eau puis prépare le thé à proprement parler, en y ajoutant glace et gingembre pour servir les gens sur le pied de guerre pour une nouvelle journée de labeur.
La consommation quotidienne s’élève en général à une bonbonne mais, lorsque la touffeur est accablante comme ces temps-ci, cela peut aller jusqu’à trois. «Le simple fait de voir les passagers s’arrêter pour boire du thé suffit à mon bonheur», exprime Mme Ly.
Six heures du matin, Mme Thanh a fini la préparation du breuvage. Il est grand temps de le mettre à la disposition des passants devant sa maison au 130, Xô Viêt Nghê Tinh (arrondissement Binh Thanh). Chaque bonbonne nécessite un kilo de thé, ce qui représente une dépense aux alentours de 30.000 dôngs. Une petite pancarte bien évidence : «Thé glacé gratuit». Et le succès ne se dément pas !
Il faudrait écrire un guide pour mentionner tous les gens qui proposent cette généreuse initiative ! Mme Dô Thi Hông, 48 ans, informe : «Je suis marchande ambulante et dois marcher beaucoup dans la rue. Ce thé gratuit me permet d’économiser l’argent que je dépensais auparavant pour acheter de l’eau».
Tous les jours, des vendeurs de billets de loterie, des chauffeurs de mototaxi s’arrêtent au bord de la route pour se désaltérer. Après un verre de thé, deux conducteurs de cyclo-pousse, habitués des lieux nous disent : «Ce midi, avec cette chaleur, boire un verre de thé glacé est salvateur ! Nous remercions chaleureusement - c’est le cas de le dire - les propriétaires». Comme quoi, il en faut peu pour être heureux ! À méditer...
Hà Minh/CVN
