M. de Lanessan, succédant au prudent M. Piquet, mit de suite plus d’ordre dans l’administration et créa, dans les régions troublées, des territoires militaires, supprimant ainsi la dualité des pouvoirs, source de conflits et de déplorables résultats. Cette décision allait rendre la vie plus dure aux pirates et en amener peu à peu la disparition, mais non sans peine, car ils étaient devenus d’une audace incroyable.
Remis de se émotions, le P. Girod retourna dans son district, plus confiant que jamais en la Providence et en la protection de la Sainte-Vierge. Monseigneur lui avait enjoint de monter à Tuyen-Quang et d’y chercher un emplacement pour y élever une chapelle et une case qui lui servirait de pied-à-terre lors de ses tournées.
Il devait s’y rendre par la chaloupe du service fluvial. Le jour venu d’effectuer ce voyage, il avait encore quelques enfants à confesser dans la chrétienté de Van-Du, près de Phu-Doan, où le bateau faisait escale. Il retarda son départ. Le soir, il recevait une lettre du Jura. “J’ai confiance, lui écrivait sa pieuse mère, que Dieu te garde fidèlement par le ministère de ses bons Anges et de tous nos saints protecteurs. Je penserai particulièrement à toi et ferai la sainte communion à ton intention le 20 avril, anniversaire du jour où tu as quitté la France.”
Or il lisait cette lettre précisément le 20 avril et, ce jour-là même, pour n’avoir pas voulu laisser inachevé son travail à Van-Du, il échappait providentiellement à une fin tragique. Ce même jour, en effet, vers les huit heures du soir, le vapeur Laokay, sur lequel il devait voyager, se perdit corps et biens dans un gouffre de la Rivière Claire, où il sombra au moment du repas des passagers. Deux seulement échappèrent à la mort. Une fois de plus la prière d’une tendre mère et la confiance du zélé missionnaire en la Providence avaient obtenu une si évidente protection.
Le 25, il montait à Tuyen-Quang, où il devait chercher à établir un poste de mission. C’est là qu’il eut la douleur d’apprendre et la maladie et la mort de Mgr Puginier, qu’il aimait comme un père.