Chers ami(e)s,
Je voudrais vous communiquer une étude récente très intéressante sur la colonisation agricole du Vietnam, dans le passé et dans l'actualité.
Dông Phong
La colonisation agricole au Viêt Nam :
la trame de l'histoire
et le cœur de sa géographie 1
Steve Déry
Laboratoire Dynamiques Rurales, Maison de la recherche
Université Toulouse II - Le Mirail
lynxnarud@excite. com
Vietnam [...] had never existed as such prior to 21 July
1954. The borders had been established by the French
and there were large areas within them that historically
had never knoum Vietnamese rule. This was true ofmuch
of the central highlands, the southern portion of the
mountain range.
Hickey, 1982b : xiii
Au Viêt Nam, l'histoire du pays passe par celle de la colonisation agricole.
Celle-ci fait partie de la chronologie vietnamienne comme la conquête du Far
West meuble la mémoire étasunienne. En fait, le territoire actuel du pays est
Théritier direct des mouvements migratoires de l'ethnie viet (ou kinh) qui se sont
déroulés par étapes depuis plus d'un millénaire.
Déjà en action bien avant l'indépendance soutirée à la Chine en 939,
la colonisation agricole a été vivement encouragée, et même forcée, du XIe au
XVIIIe siècle, tout au long de ce qui a été appelé la Nam Tien, littéralement
la « marche vers le Sud » . Celle-ci reposait alors surtout sur l'avance de paysans soldats, une technique d'inspiration chinoise, mais aussi utilisée ailleurs tant
en Occident qu'en Orient (Le Thanh Khoi, 1981; Nguyen Khac Vien, 1987;
De Koninck, 1996). Ce mouvement migratoire originant du delta du fleuve Rouge
constitue l'axe central initial de la formation territoriale du Viêt Nam moderne.
Il a cependant trouvé son terme dans le delta du Mékong bien avant l'arrivée des
Français au milieu du XIXe siècle et n'a concerné que les basses terres (figure 1).
Cette propension pionnière des Viet, irrésistible (De Koninck, 1994 :44), a contribué
à consolider et à uniformiser le peuplement des plaines situées entre les fleuves
Rouge et Mékong, le long de la côte.
Du milieu du XIXe siècle jusqu'au milieu du XXe siècle, la colonisation agricole
est demeurée : elle a été relancée dans le delta du Mékong (Gourou, 1964: 330;
De Koninck, 1994: 282) et réorientée, timidement il est vrai, vers les Plateaux
centraux par les colonisateurs français (Henry, 1932). Après le départ de ces
derniers en 1954, des bouleversements politiques et économiques ont secoué le
pays jusqu'en 1975 et ont contribué à redéfinir la carte politique de la région, en
particulier par le biais d'entreprises de colonisation agricole (Condominas, 1971;
Hickey, 1982b; Déry, 2000; Hardy, 2000).
[…]
Depuis 1975, cette colonisation agricole est toujours au centre, sinon de
l'actualité, du moins de l'histoire et de la géographie du Vietnam. Si elle a permis
la formation initiale du territoire au cours de la Nam Tien et l'amorce de la
« conquête » des Plateaux centraux au cours des périodes de colonisation et de
décolonisation, depuis 25 ans, elle est au coeur des programmes de développement
national mis sur pied par le pays. Elle a ainsi contribué à la consolidation du
pouvoir politique vietnamien sur l'ensemble du territoire national.
Cette question apparaît doublement importante à l'heure actuelle. D'une part,
le pays se trouve dans un contexte particulier : à savoir 1) que le milieu naturel,
en particulier les forêts (voir De Koninck, 1997), est considérablement fragilisé2,
et 2) que la pression démographique ne cesse de s'accentuer sans que les modes
de production ne changent vraiment - la population totale se chiffrait à 76 millions
d'habitants en octobre 1999 (GSO, 1999), soit quelque 230 habitants au kilomètre
carré. D'autre part, les ressources foncières sont sollicitées de façon accrue par
différents agents plus nombreux et articulés dans un maillage de plus en plus
complexe.
Cet article se veut donc une modeste contribution à la compréhension du
phénomène de la colonisation agricole.
Veuillez lire la suite sur http://www.erudit.org/revue/cgq/2001/v45/n124/022947ar.pdf