Les disciples de Thich Nhat Hanh sont harcelés par la police. Ils en appellent à la communauté internationale.
Les moines vietnamiens de la communauté bouddhiste zen du bonze Thich Nhat Hanh en appellent à la communauté internationale pour sauver leur peau. Le 9 novembre, ils ont reçu cet ultimatum anonyme, par messagerie électronique, qu’ils attribuent à la police : « Si d’ici le 30 novembre vous n’avez pas évacué le monastère, vous aurez décidé de votre propre mort. Vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été avertis. »
Sœur Chân Không est l’une des cofondatrices du « Village des pruniers », monastère fondé il y a vingt-cinq ans par le moine Thich Nhat Hanh dans le sud de la France et dont l’influence religieuse au Vietnam – son pays d’origine où il n’a pu retourner qu’en 2005 après trente-neuf ans d’exil – est de plus en plus forte. Avec d’autres coreligionnaires, elle a contacté en début de semaine le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, à Genève, ainsi que 13 missions diplomatiques pour demander une protection face au régime communiste vietnamien dont la tolérance religieuse est une nouvelle fois sujette à caution.
Motifs politiques
Après quatorze mois de harcèlement, les 380 moines et nonnes, âgés de 15 à 35 ans, qui s’étaient installés dans le temple de Bat Nha, sur les hauts plateaux du Vietnam, ont été expulsés à coups de bâton par une foule de paysans et de policiers en civils. La plupart d’entre eux sont depuis réfugiés dans un temple voisin, Phuoc Hue. Deux responsables ont été arrêtés. « A Bat Nha, les autorités ont coupé l’eau, puis l’électricité, la police multipliait les contrôles d’identité, ils faisaient hurler les haut-parleurs vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ils ont même dissimulé des serpents venimeux dans les sacs des moines, explique Chân Không. A présent ils veulent nous défroquer. Notre discours moral contre la corruption leur fait peur car nous attirons des jeunes, des intellectuels et des déçus du Parti communiste. »
Boudhiste engagé ayant aidé la guérilla anti-coloniale, Thich Nhat Hanh, par ailleurs historien réputé qui fut proposé comme Prix Nobel de la paix par Martin Luther King, fut exilé par le pouvoir pro-américain dans les années 1960. Il fut autorisé à rentrer au Vietnam lorsque Hanoï dut donner des gages d’ouverture pour accéder à l’Organisation mondiale du commerce. Lors de deux séjours, il rencontre le premier ministre, le président vietnaminien et obtient l’autorisation d’ouvrir une école qui sera accueillie par l’abbé de Bat Nha qui bénéficiera d’un investissement de un million de francs pour développer le site.
Les choses se gâtent apparemment lorsque les religieux refusent de remettre les enveloppes rouges – les pots-de-vin – à l’abbé et aux autorités locales. Ce ne serait toutefois qu’un prétexte, la vraie raison de ce tour de vis ayant un caractère politique, juge aujourd’hui les disciples du « Village des pruniers ». Thich Nhat Hanh, en 2007, avait recommandé au pouvoir de supprimer le Bureau des affaires religieuses. L’un de ses porte-parole a rétorqué qu’il fallait dissoudre un mouvement politique et qui pourrait renverser le régime s’il gagnait en importance. Thich Nhat Hanh est également accusé d’être proche du dalaï-lama ce qui pourrait nuire à l’amitié sino-vietnamienne.
De leur côté, les autorités nient toute implication dans les affaires du monastère de Bat Nha et évoquent des disputes entre religieux. Elles reprochent toutefois aux disciples du « Village des pruniers » de ne pas être correctement enregistrés auprès des organes d’Etat.
Par Frédéric Koller - LeTemps (.ch) - 20 novembre 2009